Dans les quartiers passager la tension était palpable. L'excitation plutôt. Le voyage tirait à sa fin et ils avaient hâte de descendre à "terre" ... certains technos échangeaient avec les jeunes mariés leurs coordonnées, d'autres faisaient leur bagage ou essayaient de lister ce qu'ils pourraient faire au cours des prochains jours et de trouver un programme commun.
Le pilote prit place devant la console de pilotage. Tout en restant debout, il se connecta aux commandes du Méphisto.
[MICRO SAUT TL]Avec beaucoup de douceur il fit évoluer celui-ci autour d’un amas de cristaux poivre et sel en fa mineur, puis en direction d’un flux de particules agrume violette soyeuse … l’homme connaissait son boulot et il parvint à créer son point de vérité précisément à l’endroit souhaité.
Ils regagnèrent l’espace newtonien dans un bref éclat de lumière octarine.
[APPROCHE DE TORTUGA]Les senseurs du Méphisto signalèrent qu’ils étaient au sein un champ d’astéroïdes. Rien à voir cependant avec ce qu’ils avaient affronté lors de la traversé du Roncier : là il s’agissait de corps célestes massifs assez éloignés de leur point d’émergence pour ne pas poser de problème de navigation.
Ils purent « voir » via les caméras photoniques longues distances trois "Pousseurs" : des navires de remorquages spécialisés. l'un deux enserrait dans un filet de force un bloc titanesque et, avec une lenteur trompeuse, alors que son moteur crachait des flux massifs d’énergie, ébranler l’astéroïde afin de le déplacer sur une autre trajectoire.
Navire Pousseur de Tortuga
Il y avait bien un millier de navires de tous types, allant de la navette intra-système au gigantesque navire usine de classe V en passant par quelques navires de guerre, en vol dans la zone...
Avec effroi ils purent voir, non loin, un navire Kiffish. Un gigantesque classe IV, se profiler derrière un astéroïde avant de créer son point de vérité. Un navire à la coque noir, aux lignes semi-organiques, dont le transpondeur disait qu’il s’agissait d’un "navire de commerce".
Classe IV Kiffish "Le Menteur"
Le pilote transmis les instructions au contrôle d’approche de port des ombres, veillant à bien spécifier le mauvais état général du navire.
"Bien reçu : nous prenons la suite Pilote. Ne quittez pas votre trajectoire de vol en manuel." Ils continuèrent sur leur lancée pendant que le Rémora s’approchait à nouveau d’eux. Le pilote pris congé en leur laissant quelques instructions de vol.
Ils continuèrent pendant presque une heure à suivre le flux grossissant de navires : ils étaient à la traine, se faisaient doubler par nombre de vaisseaux. On les faisait voler lentement, au point que les passagers commencèrent à se plaindre sur le thème de :
"mais qu’est ce qui arrive à cette guimbarde pourrie ? On se traine !"Ils contournèrent un dernier groupe d’astéroïde dont certains étaient visiblement des résidences privées.
Sous un champ de force plat, posé au dessus d’un cratère d’astéroïde de plus de 4 km une forêt tropicale s’épanouissait.
La vue aérienne qui leur était offerte permettait de voir la canopée des grands arbres et au sein d’une minuscule clairière un bâtiment sur pilotis en bois. Une sorte de relais de chasse néocolonial.
Nul être pensant n’était visible, mais ils purent entrapercevoir une ombre verte, reptilienne, de grande taille disparaître entre deux buissons. Une vision fugitive, éclipsée par ce qui se révéla à leurs yeux.
Tortuga ! Enfin ! Tortuga.
Un énorme patatoïde faisant 1870 Km de longueur et 786 km de diamètre, constellé à sa surface gris sale de lumières artificielles, bunkers, champs de force, batteries d’armes et d’autres installations à la fonction inconnue.
Ils tournaillèrent lentement et entrèrent dans une ronde de navires en attente. Il y avait là des centaines de navires, faiblement éclairés par l’étoile bleue lointaine, qui attendaient leur tour de rentrer ou de sortir de port des ombres.
[PORT DES OMBRES]Une cavité qui s’ouvrait à l’extrémité de l’axe de rotation de Tortuga. Une orbite creuse, morte, l’œil d’un cyclope décédé depuis longtemps, qui luisait sous son champ de force de la lueur moribonde d’une ville grouillante et sombre.
Ils attendaient leur tour … quand le contrôle d’approche les contacta :
"Méphisto : un rapport vient de nous être transmis, nous indiquant que vous représentez potentiellement une source de contamination biologique pour nos installations. Nous vous dirigeons vers une orbite d’attente. Une équipe médicale va monter à votre bord, puis nous vous dirigerons vers un hangar d’isolement sanitaire. Merci d’avertir vos passagers, votre équipage et de vous tenir prêt. Contrôle d’approche de Port des Ombres terminé."